lundi 7 octobre 2013

Syrie: Agir oui ! Mais comment ?

En France, le débat qui nous est imposé par la plupart des médias traditionnels est simple, égocentrique et stérile.
Pourquoi simple ? Parce qu'on nous demande entre agir ou non en Syrie.
Pourquoi égocentrique ? Parce que la plupart du temps on ne raisonne qu'en termes de coût, de risques et de conséquences pour la France.
Pourquoi stérile ? Car les bonnes questions ne sont pas posées (ou trop peu) et le débat ne peut avancer.

Remettons les choses à plat et dans leur contexte:

Un conflit oppose le président syrien Bachar el-Assad, son gouvernement, ses forces militaires et une partie du peuple qui lui reste fidèle, face aux "rebelles syriens". On peut ici parler de guerre civile, même si nous reviendrons sur ce terme plus tard.
Ce conflit n'est pas tout récent, cela fait quelques années qu'il dure, mais ce sont les violences de ces derniers mois qui font l'actualité de nos journaux.
Pendant tout ce temps, des nouvelles relatant les offensives meurtrières des uns ou des autres n'ont cessés de nous parvenir. Que ce soit des attentats au cœur de Damas ou des prises et reprises de contrôle de villes comme Homs, les bains de sang sont nombreux et font pour principales victimes des civiles. 
C'est pour cela qu'il y a un an déjà nous avons pu entendre de nombreuses voix s'élevées pour une action de la communauté internationale.

Au niveau de l'ONU, rien hormis des condamnation de principe n'a pu être voté, faute d'un accord de la Russie, qui se présente comme l'un des principaux soutiens du "régime" syrien.
Jusqu'ici, des chefs d'état comme Barack Obama, François Hollande ou encore David Cameron se sont toujours refusés l'idée d'une intervention militaire (les spectres de l'Afghanistan et de l'Irak n'y sont pas innocents).  Le président des Etats-Unis évoque cependant une ligne rouge à ne pas franchir: l'usage d'armes chimiques.

Après de nombreux soupçons et rumeurs sur l'utilisation d'armes chimiques constamment mis de côté faute de preuve tangible, deux journalistes français affirmaient début juin ramener des échantillons de gaz sarin récoltés et ramenés de Syrie. S'ensuit diverses confirmations venant de la France, du Royaume-Uni et d'ailleurs
Mais voilà, face à la réfutation totale de l'Etat syrien et de la Russie, les choses restent au point mort et l'ONU impuissante.

Il faudra attendre les massacres du 21 août (cf1-cf2-cf3) pour que nouvelles réactions surgissent.
À ce stade, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France parlent d'une action militaire qui semble imminente pour faire cesser les bains de sang.
Si les chefs d'Etats montrent leur détermination, cette fois les obstacles viennent de l'intérieur même de leur pays.

En bref, rien ne s'annonce très encourageant, d'autant que la Russie et d'autres font encore obstacle. Mais d'ailleurs, pourquoi ?
On dit que la Russie fournit des armes à la Syrie dont notamment des hélicoptères de combats, il y aurait donc des intérêts commerciaux. De plus, la Russie possède une base militaire en Syrie, ce qui est en lien direct avec l'idée un intérêt géostratégique. En soutenant le régime Syrien, c'est la Russie communiste qui garde de bonnes relations politiques, en s'opposant aux ennemis d'autrefois. On retrouve cette idée de défense d’intérêts géopolitiques contre un ennemi commun avec le soutien qu'offre l'Iran, par exemple.

Profitons-en pour expliquer l'avis de Jean-Luc Mélanchon qui évoque un argument largement repris, la guerre de 2003 en Irak provoquée à l'aide de preuves concernant des armes de destructions massives, lesquelles n'ont jamais été trouvés. Sans parler du faux échantillon présenter à l'ONU par la secrétaire d'Etat des USA de l'époque. Si l'on fait le parallèle entre Irak et Syrie, la méfiance et le suspicion à l'égard de la véracité des accusations semblent légitimes, tant bien même que des armes chimiques ont été effectivement utilisés en Syrie.
À l’extrême droite, c'est une autre motivation qui pousse le Front National à refuser une implication militaire. En effet, dans l'entourage de la présidence du parti, on retrouve un proche du régime syrien.
La compréhension de ces différents arguments qu'ont les opposants à une intervention semble nécessaire à tout débat.

Depuis le début du mois de septembre, la question de l’existence même des armes chimiques ne se pose plus, vu que l'Etat syrien se dit près à en donner le contrôle à la communauté internationale dans le cadre de l'accord mené par la Russie et les Etats-Unis.
-> Cela devrait impliqué des sanctions de la part de l'ONU, car posséder de telles armes est une infraction grave aux réglementations internationales.
-> Donc à voir avec la Cour Pénale Internationale (ou autre grande instance compétente) quelle(s) réaction(s) possible(s).
-> Sans oublier de surveiller de très près le bon déroulement de l'accord

Autre question maintenant que l'on sait que de telles armes existent, et qu'à priori (même si il subsiste peu de doute à ce sujet) elles ont été utilisées, reste à déterminer par qui.
Rebelles et gouvernement syriens se rejettent la responsabilité d'un tel acte. Mais on peut formuler des hypothèses pour distinguer les différents cas de figure.

  • Soit il y a eu un ordre venant de Bachar el-Assad, dans ce cas il a menti sur toute la ligne
  • Soit l'ordre vient d'un responsable militaire ou politique, indépendamment de l'avis du président
  • Soit il n'y a pas eu d'ordre général mais plutôt des initiatives isolées, camouflées par la hiérarchie
  • Soit ce sont les rebelles qui ont utilisé les armes chimiques après les avoir pris dans les bâtiments militaires
Ce dernier point est autant discuté que discutable. En effet, si on suit un raisonnement logique, on trouve impensable que ce soit les rebelles qui aient utilisé ces armes alors que les victimes sont essentiellement des civiles et que ce sont les rebelles qui ont apporté bon nombre d'images et vidéos montrant les massacres dont ils seraient aussi victimes. Mais d'un autre côté, si l'on suit l'argument du pouvoir syrien, de nombreux militaires seraient touchées et toutes ces images ne sont pas certifiées et relèves d'un effet de propagande.

Rappelons aussi qu'a différentes reprises, les rebelles se sont vu être accusé de porter la responsabilité de l'usage des armes chimiques. Petite chronologie récapitulative: accusés par l'ONU puis disculpés, et plus récemment à nouveau accusés par Vladimir Poutine

Devant tant de doutes et de soupçons quant aux actes des rebelles, il est peut être temps de se demander qui ils sont.
  • Opposants politiques majeurs ?
  • Opposants politiques minoritaires ?
  • Partisans pacifique pour un pays démocratique et égalitaire ?
  • Idéologistes religieux (proche d'Al-Qaïda) ?
  • Simples pions contrôlés par des pays hostiles à la Syrie ?

On a pu entendre et lire n'importe quoi à propos d'eux, pourtant il semblerait que soit bien par définir qui ils sont et qu'elles places il occupent au sein du peuple syrien qu'il faille commencer.
Lorsque l'on ne parle pas des djihadistes européens qui partent combattre en Syrie, on nous dit qu'il faut fournir les rebelles en armes avant qu'ils ne se fassent massacrer.
Le problème, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule mouvance rebelle, non, mais plusieurs factions plus ou moins grandes et indépendantes les unes des autres.
Résultat, exécution sommaire de soldats capturés, attaques à la bombe en plein centre de Damas, tentatives d'assassinats, tirs de snipers isolés, et massacres de civiles sont mélangés et assimilés. Ce qui fait que distinguer les "gentils" des "méchants" est devenu très compliqué pour les occidentaux que nous sommes.
Comment savoir si le pays est à la limite de la guerre civile ou si c'est seulement une minorité qui réclame le départ du gouvernement ? Comment légitimer une quelconque action militaire ou politique dans ces conditions de flou total ?


Seul les ONG, une forte implémentation de l'ONU, des observateurs étrangers présents depuis un certain temps, des journalistes vivant au quotidiens sur place, peuvent, en recueillant des témoignages et des données, nous faire savoir la véritable situation de la Syrie et de son peuple, pour pouvoir ensuite agir de manière concrète.


NB: Cet article contient de nombreux liens vers les sites web de journaux et sites d'information. Une attention particulière a été porté sur l'utilisation de différentes sources, tous bords politiques confondus. Mais vous pourrez remarquer la différence des propos tenus (et l'interprétation qui est faite) sur un même sujet d'un site à un autre.

Jergame - Octobre 2013

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