Aujourd'hui mon chat est mort, il
venait d'avoir 13 ans.
Ce n'est pas une surprise, je m'y
attendais, mais la tristesse est néanmoins présente.
Cela faisait environ deux mois que son
comportement était étrange, pour ne pas dire radicalement différent
et donc inquiétant. Il a commencé à passer ses journées dans des
endroits inhabituels. Puis il se cachait, comme si il cherchait à
s'isoler des autres ou a garder de la chaleur. Il en faisait de plus
en plus à sa tête, comme si il nous disait « je suis vieux,
alors j'en ai rien à faire de ce que vous me dites, laissez moi
tranquille ». Depuis 3 semaines, tout s'est accéléré, tout
s'est aggravé. Alors qu'il avait jusque ici l'habitude de côtoyer
les autres chats, ses « neveux », il a décidé de passer
ses journées seul, dans la cuisine, et d'y dormir. Pourtant, il y
fait plutôt froid, ce n'était donc pas le meilleur endroit pour
qu'il se sente bien... Outre ce paradoxe, il mangeait de moins en
moins, et « pleurait » de plus en plus, comme si il avait
faim. Ou peut-être avait-il mal quelque part ? On ne l'a jamais
su. Certes il était malade, entre ses articulations et ses reins, ça
n'était déjà plus la grande forme. Il était devenu très
difficile au niveau nourriture, au point de refuser quasiment tout,
de ne vouloir que des aliments qui lui étaient interdits pour raison
de santé, et de ne plus en vouloir au repas suivant. Tout
recroquevillé qu'il était, en position du sphinx, ou bien debout au
dessus de sa gamelle, ses pleurs devenaient constants ces derniers
temps.
Au final, le voir dépérir au fil des
semaines m'a préparé à ce qui était inévitable. J'ai alors pu le
prendre quelques fois dans mes bras, ressentir sa perte de poids...et
donc sa fragilité à lui qui était encore un « pacha »
bien enrobé il y a quelques mois. Il n'aura jamais cessé d'être
réceptif aux caresses, ni d'être affectif, soit en se frottant,
soit en nous tournant autour des jambes. Lorsque j'ai appris, en ce
milieu d'après-midi, qu'il allait être emmené chez le vétérinaire,
j'ai alors su que c'était la fin et que je ne le reverrais jamais
plu. Ainsi, mon dernier contact, mon dernier souvenir de lui restera
positif, puisque lorsque pour lui dire bonjour j'ai approché ma
main, point fermé, de sa tête, il l'a accueilli d'un léger coup de
tête, comme il le faisait pour montrer qu'il était réceptif au
geste, alors qu'il aurait très bien pu se recroqueviller au ras du
sol comme il le faisait les mauvais jours.
Même si ce n'était pas vraiment mon
chat, dans le sens où il n'était pas à moi, il appartenait à ma
famille depuis tout bébé.
J'avais 10 ans lorsqu'il est arrivé,
j'en ai désormais 23, je l'ai donc connu pendant plus de la moitié
de ma vie. Je n'ai pas grandi avec lui, mais j'ai passé du temps
avec lui, et il fera à jamais parti de mes souvenirs et de ma vie.
Tout droit venu d'un petit village
normand, en avril 2003, cette petite boule grise, aux yeux verts,
légèrement tigrée était le 5ème chat que j'ai connu dans ma
famille proche, mais seulement le 2ème à venir après moi, alors
que les 3 premiers étaient déjà là avant ma naissance. Lorsque le
dernier de ces chats est morts, il y a eu quelques années sans chats
chez moi, jusqu'en 2001 et l'arrivée d'une petite femelle noir,
encore en pleine santé actuellement. Mais voilà, cette dernière à
toujours eu un côté sauvage, avec un brin de folie, et elle n'était
pas vraiment du genre « sociale ». Du coup, lorsque le
petit gris est arrivé, sa « grande sœur » est devenue
encore plus difficile à vivre, et plus encore elle s'en prenait à
lui comme pour se venger... elle ne l'a jamais vraiment accepter.
Cela étant, il y avait enfin un petit chat que l'on pouvait caresser
sans se faire griffer, avec qui l'on pouvait jouer et qui ne risquait
pas de nous attaquer dès que l'on passait à côté de lui. Je m'y
suis donc d'avantage attaché, même si je ne le voyais que 2 à 3
jours par semaines, il a finit par devenir « mon chat » à
mes yeux.
C'était mon chat parce que je l'aimais
« plus que tout ». Il se montrait relativement tolérant
avec moi en me laissant l'embêter, à condition que je n’insiste
pas trop. On avait quelques rituels, comme lorsque je m'asseyais sur
la table et qu'il me rejoignais pour me faire des câlins, se
frotter, me tourner autour tout en ronronnant et en cherchant à être
caresser. Plus encore, au bout de quelques années, lorsqu'il me
voyait arriver, il avait comme réflexe de parfois monter dans
l'escalier à fond et d'attendre devant la porte de ma chambre que je
l'y fasse rentré, pour un simple tour ou bien pour y faire une
petite sieste (sur mon lit, sur un sac, ou bien dans ma sacoche
d'ordinateur). C'est sans doute anecdotique, mais il ne faisait ça
qu'avec moi, signe à mes yeux d'une certaine forme de complicité,
d'où la tolérance dont le parlais plus haut. D'autant plus que même
si il était nettement plus sociable que sa sœur d'adoption, il
n'était pas du genre à nous suivre constamment ou à rester sur les
genoux.
Ce n'était pas le plus câlin des
chats au monde, ni le plus collant, mais il savait l'être de temps
en temps. Pour preuve, il suffisait que sa maîtresse lui parle pour
qu'il se roule sur le dos, exposant son ventre, ou qu'elle caresse
pour qu'il entame un câlin baveux dont il avait le secret. Le reste
du temps il dormait au soleil, sur une chaise, un fauteuil ou un
coussin, ou bien il regardait par la fenêtre les passants et les
oiseaux après lesquels il adorait miauler.
Lorsqu'il était petit, il était
joueur, agile et vif. Je lui prédisais même, avec humour, une
carrière de handballeur ou de volleyeur tant il était doué
lorsqu'il s'agissait de renvoyer en plein vol des jouets.
Les années sont passées et il s'est
engraissé, goinfre qu'il était, tout en se dépensant de moins en
moins. Il est devenu ce semblant se pacha, presque naïf, un (tou)poutou comme j'aimais l'appeler.
Lorsqu'il avait 5 ans, sa sœur
adoptive a eu 3 chatons (avec un mâle de l'extérieur), qui étaient
donc ses « neveux ». Cela aurait pu changer son
comportement, il aurait pu mal le vivre, mais non. Il était
fondamentalement gentil. Il les a bien accueilli, et même si il se
prenait des trempes par sa sœur à chaque fois que les chatons
pleuraient, il ne leur en a pas voulu. Au contraire, il s'est même
pris d'affection pour eux. Non seulement il les a accepté, mais il
s'entendait vraiment bien avec eux, pour manger, jouer comme pour
dormir, les tolérant plus que sa sœur de l'avait jamais toléré.
Avec les humains aussi il était gentil, toujours réceptif à une
petite caresse de bonjour. Et récemment, avec l'arrivée de Petit,
il s’était montré encore d'avantage patient, se laissant caresser
(maladroitement) par un enfant d'à peine 2 ans, et sans chercher à
fuir des cris stridents et le ramdam provoqué par la présence du
jeune enfant.
C'était un beau chat, c'était un
gentil chat, affectueux et joueur, c'était mon chat et je l'aimais.
Maintenant au moins, je suis sûr qu'il
ne souffre plus, et c'est sans doute ce qui me réconforte.
Jergame - Vendredi 29 avril 2016