samedi 21 novembre 2015

Normandie: histoires de séjour(s)

La Normandie. Ce petit village Manchois. Des champs et des bois à perte de vue. Un paysage vallonné, des routes sinueuses, et des petits chemins de traverses.
J'aime y faire du vélo. Rien de tel que de faire un tour de quelques kilomètres, pendant 15 ou 30 minutes. Les voitures sont rares, voire inexistantes selon les heures de la journée. C'est le genre d'endroit où l'on peut rester près d'une heure sur une portion de route sans qu'aucune voiture ne passe, sans croiser personne, à condition de connaître les bonnes heures. De la même manière, les petits tours sont dénués d'un fort trafic routier, ce qui donne un fort sentiment de liberté. Libre d'être seul sur ces routes. Chaque effort de montée est récompensé par une belle descente. Un peu de douleur pour un peu de sensations fortes, mais pour beaucoup de bonheur.
Les voisins sont devenus des amis, et d'année en année j’étends mon cercle de connaissance. Il n'est pas rare que j'organise des « sorties vélo » avec les plus jeunes d'entre-eux, l'occasion pour moi de profiter pleinement de ces journées. 11 ans que j'y viens, soit la moitié de ma vie.

Alors pourquoi ne pas vivre ici ? Habiter ici à l'année ? Rêve ou utopie biaisée je ne sais pas. J'ai longtemps hésité, et je dois avouer que c'est encore la cas, mais une chose est sûr, c'est que ce n'est pas pour aujourd'hui.

J'aime vivre ici. J'aime m'y sentir chez moi. J'aime le calme et la tranquillité qui y règnent.
Je viens ici en été, autrement dit au meilleur moment de l'année, ou en tout cas le moment le plus propice pour profiter d'un certain nombre de avantages de la région.
Sauf qu'il ne faut pas oublier de garder les pieds sur terre et d'être réaliste.
Heureusement, certains éléments sont là pour me le rappeler, à commencer par l'ensoleillement.

Dès que j'y viens début juillet, il m'arrive souvent de traîner le soir en vélo, jusqu'au coucher du soleil, aux alentours de 22h30. Mi-août, il est évident que l'on a perdu quelques minutes de soleil chaque jour depuis le solstice d'été du 21 juin. On s'en rend surtout compte passé le 15 août où il n'y a plus grand chose à faire dès 21h00, faute de soleil. Non seulement il fait nuit plus tôt, mais il fait gris, maussade, nuageux et brumeux. Et parfois, voire un peu trop souvent, pluvieux.

La pluie. Indissociable de la Normandie, la pluie est à la fois un symbole de réalité et de clichés.
Oui il pleut. Mais pas tout le temps, pas partout, et pas toujours de la même façon. Et puis comme le dit le proverbe « il ne pleut que sur les cons ». Comprenez que la pluie, plus on s'en plein, plus on la subit. Alors que plus on fait avec, moins on la remarque.
Un petit crachin matinal, quoi de mieux comme brumisateur naturel lors d'une sortie vélo ?
La vraie pluie désagréable n'est pas unique, elle réside en une accumulation de situations spécifiques. Vent en rafales, pluie dense, régularité, constance, averses, font autant de facteurs qui rendent la pluie insupportable.
On en arrive donc à l'un des aspects les plus négatifs de vivre en Normandie, en tout cas de séjourner dans le bâtiment même où j'ai passé les 11 derniers étés.
Si la pluie en elle même n'est pas si dérangeante, elle contribue toutefois à nous pourrir la vie. Être bloqué à l'intérieur à cause d'une série d'averses est d'autant plus dérangeant si cela dure des journées entières.
Ensuite, à un niveau moins dense ou moins régulier, la pluie à cette capacité à limiter les déplacements en extérieur. Peut-être qu'il n'a pas plus depuis hier soir et qu'il fait ciel bleu et ensoleillé depuis ce matin, mais ce n'est pas pour autant que les flaques se sont évaporées, que la gadoue s'est desséchée ou qu'il n'y a plus aucune gouttes d'eau sur les routes. Dans ces conditions, on peut dire adieux aux balades pédestres en forêt, dans des chemins de traverses, et même aux sorties vélos.
Enfin, vient l'horreur de certaines nuits où il est parfois impossible de dormir lorsque pluie et vent se mélangent sous formes de rafales au travers desquelles la nature se déchaîne. C'est dans ces moments où mon envie de vivre toute l'année dans cet endroit est fortement remise en cause.

Début septembre. Voilà sept jours que je suis de retour en région parisienne. De retour chez moi, là où je suis né, là où j'ai grandi, là où je vis depuis toujours.
Ma première impression ? J'ai le sentiment d'être cloisonné, enfermé, oppressé. Que ce soit en appartement ou dans un pavillon avec jardin, j'éprouve cette même aigreur, cette même oppression, comme si j'étais dans une prison à ciel ouvert. Du goudron à perte de vue, et à en perdre l'odorat vu les relents de pétroles émis sous l'effet de la chaleur. Les maisons sont les unes sur les autres, alignées dans de longue rue qui les enfermes dans des pâtés. Les jardins semblent bien ridicules en comparaison de la Normandie. Il faut dire aussi que ce n'est pas comparable. D'un côté on a des maisons bâties sur terrains individuels, elles mêmes encadrées par d'autres maisons. Et de l'autre on a d'immenses terrains bien souvent entourés par des champs et des bois. Les notions d'entassement et d'espaces dégagés ont alors tous leur sens. Impossible de se déplacer sans croiser personne. Faire du vélo devient plus contraignant qu'autre chose, au vu du nombre de dangers potentiels. La sensation de liberté est alors beaucoup moins présente.

Fin octobre. Me voici de nouveau dans la Manche, pour un court séjour de quelques jours. C'est seulement la deuxième fois que j'y viens hors saison, la deuxième fois que je m'y rend pendant les vacances de la Toussaint. Venir en train, c'est aussi une occasion de voir du pays, et en l’occurrence de voir du paysage normand d'automne. Rien de tel qu'un ciel bleu pour contraster le dégradé vert jaune orange rouge des arbres, forets et haies diverses qui bordent les champs. Les rayons du soleil semblent apporter une note orangée aux décors.
En réalité, il s'agit du même soleil que celui des soirs d'été, celui qui étalait les ombres vers l'est, symbole si il en est des belles soirées d'été à la lumière contrastée. Ce soleil qui se couchait à l'ouest en prenant son temps, plusieurs heures durant lesquelles il annonçait tout en douceur les fins des longues journées chaudes, devient en automne un soleil bas, caractéristique de cette saison, donnant ainsi une nouvelle vision des choses. Les journées ensoleillées semblent hors-temps. Le fait d'avoir le soleil dans les yeux en plein milieu de l'après-midi est tout autant surprenant que déroutant. C'est un soleil réchauffant, parfois chauffant, au point qu'on ne sait plus trop comment s'habiller dès que l'on pratique une activité en plein air. Oui oui, ramasser des châtaignes, ça pique non seulement les doigts mais ça chauffe aussi la peau. 
Mais cela ne dure pas longtemps. Dès 17 h, le temps se rafraîchit, le ciel s’assombrit. Il fait vite nuit et il n'est alors plus question de faire un tour de vélo, à moins que rouler dans le noir ne soit une passion cachée. Car oui, il ne faut pas compter sur un éclairage publique puisqu'il n'y a pas de lampadaire dans un rayon de 2 km autour de chez moi. 
De plus, l'état des routes d'automne laisse à désirer. Les routes sont glissantes, faites d'un mélange de terre, de feuilles mortes et de pluie. Glissades, risques de chutes, mais aussi vêtements tachetés de terre sont à prévoir lorsque l'on prend son vélo en pleine journée.
Enfin, la perception de ce qui nous entoure est surprenante. Les odeurs sont spéciales, parfois enivrantes, parfois écœurantes. Les fumiers se mêlent aux odeurs des feuilles mortes et à l'humidité. Le vent rapporte des sons qui semblent plus lointain qu'en été, comme si les arbres dénués de leurs habillages lui avaient céder le passage pour qu'il déferle plus de puissance. Les voitures se font moins entendre, signe qu'il n'y a plus de vacanciers dans la région. En revanche, les coups de fusils eux se font bien entendre, ce qui est en tout point désagréable. Le fait que la chasse soit ouverte sur grande partie de l'année implique beaucoup de précautions et de restrictions. Il n'est plus question de se promener discrètement dans des sous-bois à la recherche de calme et d'animaux, au risque ce se faire sois-même tirer comme un lapin. Prudence est de mise, liberté à la remise.

Alors c'est bien beau d'être attaché à la Normandie et de vouloir y vivre toute l'année, mais il faut aussi s'y projeter dans l'avenir et ne pas se limiter strictement à une ou deux expériences vécues qui ne seraient pas représentatives du tout de la réalité de l'année entière.
Pouvoir observer que les journées raccourcissent et que les nuits s'allongent dès le mois d'août et en faire un nouveau constat en octobre est un bon moyen pour prendre conscience que les choses sont loin d'êtres immuables tout au long de l'année. Vivre en Normandie toute l'année signifierait ainsi d'être confronté à un certain nombre d'aspects désagréables tout en étant dépendant des conditions météorologiques, sachant que celles de l'hiver sont bien pires que celles que j'ai pu observer en octobre. Pour faire simple, l'idée même de ne pas pouvoir profiter pleinement de mon cadre de vie m' enlève d'avance toute réjouissance et toute impression de liberté. J'en arrive donc à la conclusion suivante : en l'état actuel des choses, au vu des travaux qui restent à faire sur place et des conditions de vies qui m'imposent, mieux vaut profiter de l'instant présent et notamment de mes proches que j'ai encore la chance de côtoyer régulièrement en Île-de-France.

Jergame - Août, septembre, octobre et novembre 2015.

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